1. Cataracte et diabète
La cataracte est plus fréquente et plus précoce chez le diabétique. On admet que l'opération de la cataracte est réalisée 6 fois plus souvent chez le diabétique que chez le sujet non diabétique : 5 à 10 % des cataractes, 20 à 40 % des opacités cristalliennes du sujet jeune surviennent chez des patients diabétiques, et 4 % des diabétiques jeunes sont porteurs d'opacité cristallinienne.
Deux grands tableaux cliniques doivent être distingués:
La cataracte diabétique vraie: rare, elle survient chez les sujets jeunes entre 15 et 25 ans à l'occasion d'une décompensation de la maladie (coma), d'un mauvais contrôle glycémique, en particulier lors de l'installation du traitement; plus rarement, elle peut révéler la maladie diabétique. Cette cataracte est bilatérale, rapidement progressive, parfois en quelques heures.
La cataracte du sujet âgé diabétique est en fait une cataracte de type sénile survenant plus fréquemment et surtout plus précocement que dans une population non diabétique. Elle débute après 40 ans chez un patient ayant un long passé diabétique connu [o].
2.1.1.Mode d'action
L'effet néfaste de l'hyperglycémie sur le cristallin peut être attribué à au moins deux types de mécanismes : l'activation de la réaction de Maillard et la voie des polyols.
2.1.1.1. Phénomène de glycosylation
La glycosylation commence par la réaction de Maillard : réaction non-enzymatique d'addition du groupe carbonyle d'un sucre sur la fonction amine primaire d'un acide aminé, d'un peptide ou d'une protéine. Elle est suivie d'élimination d'eau avec formation d'une imine intermédiaire, puis d'une cyclisation en un N-glycoside. Celui-ci se réarrange (réarrangement d'Amadori ). Finalement, les produits d'Amadori se déshydratent et des réactions de clivages conduisent à la formation des produits avancés de glycosylation.

Le cristallin est très vulnérable car il ne dépend pas de l'insuline pour capter le glucose, il est donc constamment exposé aux grandes concentrations. De plus les cristallines ont peu ou pas de turn-over[5].
Le glucose 6-P s'additionne principalement aux cristallines alpha et gamma qui perdent leurs charges positives de surface, causant ainsi un changement de conformation et par conséquent l'exposition des groupes thiols.Ces derniers vont éagir et former des ponts disulfures entre les protéines. De nouvelles protéines de haut poids moléculaire apparaissent. Elles captent la lumière, induisant une opacification [6].
La glycosylation augmente aussi le stress oxydatif conduisant à l'oxydation des protéines et à la peroxydation lipidique.
III.2.1.1.2. Activation de la voie des polyols
Cette voie semble actuellement moins importante que la glycosylation.
L'augmentation du glucose dans le cristallin a pour conséquences : l'augmentation de l'activité de l'hexokinase, du glucose 6-P, l'activation de la voie des polyols et de la voies des pentoses phosphates.
L'aldose réductase (AR), située principalement dans l'épithélium ,convertit le glucose en sorbitol. Celui-ci diffuse difficilement hors du cristallin et s'accumule, créant ainsi un gradient osmotique, avec mouvement d'eau de l'humeur aqueuse jusque dans les fibrocytes, causant tuméfaction, cassure de fibres et opacification [2].
Les effets combinés de l'activité de l'AR et du sorbitol en présence de sorbitol déshydrogénase conduit à une altération de l'état d'oxydo-réduction des couples NADP+/NADPH et NAD+/NADH, avec pour conséquence l'activation de la voie des pentoses phosphates et une diminution de la glycolyse. Le changement d'état rédox du couple NAD+/NADH vient de l'activité de la sorbitol déshydrogénase. Il est lié à une diminution de la glycolyse et à l'augmentation de la formation de glycérol 3-P. Ces deux phénomènes contribuent à la diminution de la formation d'ATP au stade de la glycéraldéhyde phosphate déshydrogénase. Ensuite, le glycéraldéhyde 3-P peut aussi servir de substrat à l'AR, avec réduction de NADPH. Il y a donc une déplétion en NADPH et en ATP.
Le cristallin est continuellement soumis à un stress oxydatif, via la formation photochimique de radicaux libres. Il existe divers mécanismes de défense requérant en autre le glutathion (GSH). Le pool de GSH est maintenu par la réduction du GSSG par la glutathion réductase et sa synthèse de novo. Or, la réduction de GSSG par la glutathion réductase nécessite du NADPH. Lors d'hyperglycémie, il y a donc compétition entre la glutathion réductase et l'AR pour le NADPH, ce qui entrave la réduction du GSSG. En même temps, le manque d'ATP entraîne une diminution de la synthèse de novo du GSH, car l'ATP est indispensable à deux étapes : au niveau de la g -glutamyl cystéine synthétase et de la glutathion synthétase.
2.1.2.Rôle de la nutrition dans la régulation de la glycémie
L'importance du régime dans le traitement du diabète varie selon le type du diabète :
- chez les diabétique de type I, en particulier ceux soumis à une insulinothérapie intensifiée, la composition du régime n'a pas d'importance déterminante car l'adaptation des doses d'insuline peut couvrir de grandes variations dans les apports alimentaires. La répartition calorique est importante pour éviter les hypoglycémies. Le schéma typique comprend 20 % des calories totales pour le petit déjeuner, 35 % pour le déjeuner, 30 % pour le dîner et 15 % pour une collation tard dans la soirée. Un collation en milieu d'après-midi est parfois nécessaire.
-chez les diabétiques de type II non traités par insuline exogène, une adhérence plus rigoureuse au régime établi est nécessaire car la réserve d'insuline endogène est limitée. Ces patient ne peuvent plus répondre à une augmentation des besoins insuliniques résultant des apports caloriques excessifs et de l'augmentation de l'ingestion de glucides d'absorption rapide.[1] Chez le diabétique obèse, le régime constitue l'essentiel du traitement. Il s'agit d'un régime hypocalorique et hypoglucidique. Ce régime est établi dans le but d'augmenter la sensibilité à l'insuline et à améliorer la glycémie.
La prescription du régime doit commencer par un interrogatoire alimentaire détaillé tenant compte du mode de vie et de l'origine du patient. Chaque cas nécessite un régime adapté à ses besoins.
Les buts du régimes sont:
-maintenir un taux de glucose sanguin aussi près possible de la normale, en tenant comptedes apports alimentaires, des médicaments pris et du niveau d'activité physique. -atteindre un taux de lipides sanguins optimal. -fournir la quantité adéquate de calories pour maintenir ou atteindre un poids raisonnable. -prévenir et traiter les complications aigües ou chroniques du diabète.
Perspective historique des reccommandations alimentaires:
Distribution des calories (%).
Année
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Glucides
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Protéines
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Graisses
|
avant 1921
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Régime d'inanition
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1921
|
20
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10
|
70
|
1950
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40
|
20
|
40
|
1971
|
45
|
20
|
35
|
1986
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moins de 60
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12-20
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moins de 30
|
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Les recommandations diététiques actuelles sont:
- protéines: 10 à 20 % de la ration calorique journalière.
-moins de 10 % des calories doivent provenir des acides gras saturés et moins de 10 % des acides gras polyinsaturés.
- il faut privilégier les acides gras mono-insaturés qui peuvent avoir une action bénéfique.
- l'apport calorique des glucides doit représenter 50 à 55 % de l'apport total. Depuis des années on reccommande d'éviter les glucides simples et de les remplacer par des féculents car ces derniers sont absorbés plus lentement que les sucres simples. Mais il semblerait que peu d'évidences scientifiques corroborent cette affirmation. En effet, les fruits et le lait ont une réponse glycémique plus basse que certains féculents, et le saccharose donne une réponse glycémique similaire à celle du pain, du riz, et des pommes de terre. Il est donc préférable de d'abord envisager la quantité totale de glucides ingérés plutôt que leur sources. On réduira donc les apports en glucides en privilégiant les sucres complexes, car ceux-ci sont moins rapidement absorbés et sont accompagnés de fibres dont il est souhaitable d'augmenter la consommation.
- la prise d'alcool n'est pas interdite bien qu'il soit préférable d'en absorber avec modération. Il faut clairement indiquer aux patient que l'alcool apporte environ 7 kcal/g, pouvant potentialiser une hypoglycémie et entraîner des épisodes de flush au niveau du visage en cas de prise de sulfamidés hypoglycémiants.
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